L’islam est une grande et belle religion, plus simple que le christianisme. Il n’y est point question de dépassement, ni de nouvelle naissance, ni d’alliance, ni de péché originel. Pour y adhérer une simple formule de profession de foi.
Les tragiques événements que nous connaissons ont créé des réflexes défensifs. Mais le djihadisme sanguinaire et fanatique n’est point l’islam. Des confusions sont vite faites. L’Occident a gardé le souvenir des invasions passées et n’oublie pas que le christianisme fut plusieurs fois menacé. L’islam est mal connu mais vite jugé. Le dialogue avec le monde musulman nécessite une claire prise de conscience des divergences mais aussi des convergences. Les différences doctrinales et dogmatiques (péché originel, Trinité et filiation divine, selon la tradition chrétienne) demeurent importantes. Ont heureusement disparu ces temps où les portes du Salut étaient fermées aux mahométans et à bien d’autres. Une foi qui s’isole dans le seul périmètre de sa religion et qui méprise ce qui lui est extérieur manque à sa vocation d’amour et de paix.
« Le dessein de Salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui professent avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour » (Vatican II ; Lumen Gentium, chapitre II, Le peuple de Dieu, ch. 16).
Le pape n’a-t-il pas aussi choisi le nom de François pour annoncer qu’il est un partisan actif du dialogue avec l’islam comme le fut saint François rencontrant, à Damiette, en 1219, le sultan d’Egypte Malik al-Kamil (le Parfait) qui rendra Jérusalem aux chrétiens. Tout récemment l’évêque de Rome a décidé d’héberger au Vatican trois familles de réfugiés syriens de confession musulmane.
Au-delà des différences théologiques, Marie (Maryam, en arabe) n’est-elle pas un point de convergence entre chrétiens et musulmans ? Depuis toujours elle est vénérée par ceux-ci. Al-Azraqî, historien de la Mecques du IXème siècle écrit que quand Mohammed ordonna de purifier la Ka’aba des idoles, il protégea de sa main un portrait de Jésus et de Marie.
Appelée Sayyedatena (notre dame), elle est citée à 34 reprises dans le Coran alors qu’elle l’est cinq fois par Matthieu, une par Marc, douze par Luc et une fois par celui-ci dans les actes des Apôtres ; l’Evangile de Jean parle de la « mère de Jésus », sans plus. Elle est la seule femme dont le Coran mentionne le nom. Le texte fondateur de l’islam lui consacre une sourate entière (19) et se montre particulièrement prolixe quant à ses vertus, son élection par Dieu (sourate 3, 35-36), sa fécondation par le Saint-Esprit (sourate 3, 47;19, 20-21). La naissance miraculeuse de Jésus ne survient pas en pleine nuit dans une triste étable de Judée, mais au pied d’un palmier qui a gratifié Marie de dattes fraîches et où coule un ruisseau d’eau désaltérante (sourate 19, 25-26). Elle est avec Jésus « un signe pour les univers » (sourate 21, 91).
Selon le grand islamologue Louis Massignon (1883-1962) le « fiat » de Marie était la parfaite expression de l’islam, entendu dans son sens premier, la « soumission » à la volonté divine. Elle est vénérée notamment à Lourdes et la Fête de l’Annonciation a été décrétée jour férié au Liban. Mais dans l’islam la chasteté n’est pas une valeur en soi. Ce qui mérite l’approbation de Dieu ce sont la modération et la pudeur, vertus dont Marie est le parangon et qui sont aux antipodes des fausses valeurs qui inondent notre quotidien.
Cependant elle est et demeure femme (Le Christ né d’une femme ; Epître aux Galates 4/4). La sainteté et la pleine humanité de Jésus et de Marie sont vénérées par les musulmans, lesquels reprochent aux chrétiens de les diviniser. Le Christ est « le Prophète de Dieu, Son Verbe déposé dans le sein de Marie » (sourate 4,171). Dieu n’a pas de fils. Selon le Coran, Il se suffit à Lui-même.
Modèle de foi et de fidélité, Marie est, pour les chrétiens, médiatrice de toutes grâces, avec et par son fils. N’est-elle pas aussi médiatrice entre musulmans et chrétiens « en tant que modèle parfait de la « soumission confiante » aux désirs de Dieu sur notre commune humanité » ? comme le dit admirablement le Père Borrmans, ancien enseignant à l’Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie.