François Berger

écrivain, éditeur, essayiste et conférencier

Dieu et le Mal

Le grand philosophe allemand Hans Jonas (1903-1993) se rendit notamment célèbre par un court mais remarquable essai : « Le Concept de Dieu après Auschwitz ».

La question fut alors posée : Quel est ce Dieu qui a pu laisser commettre les atrocités dans les camps nazis ? Et, par actualisation, celles commises en Russie, en Ukraine, au Proche-Orient, au sein du peuple Ouïghour, et ailleurs.

Ces monstruosités en ont beaucoup éloigné de la foi. Ceux qui ne l’ont plus, ou ne l’ont pas, peuvent voir dans cette passivité une présomption de l’inexistence de celui que les juifs appellent le seigneur de l’Histoire.

Le point critique de l’ouvrage de Jonas, juif lui-même et affirmant sa judéité, est le suivant : Dieu n’est pas un dieu tout-puissant ! Il n’est, par exemple, pas Celui invoqué dans le Préambule de notre Constitution fédérale (Au nom de Dieu Tout Puissant !). Jonas s’oppose à la doctrine traditionnelle (médiévale) de la puissance divine absolue. Pour lui Dieu s’est dépouillé de tout pouvoir d’immixtion dans le cours physique des choses de ce monde dont Il reçoit cependant une expérience.

Si Dieu n’est pas intervenu à Auschwitz, ce n’est point qu’Il ne le voulait pas, mais Il ne le pouvait pas ! Le propos peut paraître déroutant, choquant même.

Mais Dieu ne peut faire plus pour l’humanité si l’on admet, avec Jonas, que dans la liberté humaine réside un renoncement de la puissance divine. Vraiment ?

Alors une remarque, toute personnelle : S’il n’y a pas eu de miracles salvateurs à Auschwitz, n’était-ce pas déjà un signe de la présence ininterrompue de la Grâce divine que celui des parents juifs serrant contre eux leurs enfants dans un ultime geste d’amour précédant leur mort ?

Le philosophe juif, toujours dans son essai, écrit : Dieu n’a plus rien à offrir. C’est maintenant à l’homme de lui donner afin qu’Il ne puisse pas regretter d’avoir laissé advenir le monde.

    Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde, dit Pascal (Pensées, 736), mais, ajoute-t-il : il ne faut pas dormir pendant ce temps-là !

Voici un ouvrage livrant, en une trentaine de pages seulement, une réflexion pénétrante en ce temps où se multiplient tant de drames en Russie, Ukraine, au Proche-Orient, ailleurs encore.

François Berger
Ecrivain et vice-président (section Suisse) de la Société européenne de culture
Sur demande communication de la référence de la publication