François Berger

écrivain, éditeur, essayiste et conférencier

Europe à sa fenêtre

Depuis le 1er janvier 2003, l’euro est la monnaie officielle de vingt Etats membres de l’Union européenne, de quatre micro-Etats non-membres de l’UE mais ayant passé des conventions (Andorre, Saint-Martin, Monaco et le Vatican) ainsi que de deux autres pays hors de l’Union (Monténégro et Kosovo).

Les portraits ont traditionnellement leur place sur les billets et les nôtres sont parmi les plus beaux du monde.

Avant l’introduction de la nouvelle monnaie chaque Etat choisissait librement les personnalités pour ses billets. Et il est arrivé que l’un d’eux portât un nom célèbre. Ainsi parlait-on du Voltaire pour l’ancien billet de dix francs français. On y voyait défiler Clara Schumann, les frères Grimm, Marco Polo, Verdi, le roi Juan-Carlos et bien d’autres.

Avec l’euro, les visages ont disparu, remplacés par des constructions représentant l’évolution architecturale européenne. Plutôt que fenêtres, portails et ponts, les créateurs de l’euro n’auraient-ils pas dû donner la préférence à des hommes et des femmes représentatifs de l’esprit européen ? Tels Charles de Gaulle, Paul Valéry, Denis de Rougemont, Louise Weiss, fondatrice de la revue « Europe nouvelle », Eliane Vogel-Polsky, militante de l’Europe sociale, Robert Schumann, Jean Monet, Konrad Adenauer, François Mitterrand.

Lors de la deuxième série de billets, appelée « Europe » (2013), une princesse de la mythologie grecque, Europe, fit son apparition dans la bande argentée sur la droite des billets de cinq à deux cents euros. Elle donna son nom à notre continent.

Son portrait, découvert sur un vase antique, est visible, en filigrane, à l’intérieur d’une fenêtre. La princesse peut observer, à partir de celle-ci, la circulation quotidienne de centaines de millions d’euros. Elle voit aussi l’Europe livrée, directement ou indirectement, à la guerre et à la peur.

L’Europe n’a-t-elle pas cru, naïvement, et trop longtemps, après 1945, à une paix perpétuelle, refusant de croire possible un nouveau conflit armé ?

La princesse, au regard pénétrant, ne figure-t-elle pas aussi sur l’euro pour rappeler que les valeurs de la Paix, du Juste et du Beau ont un coût et qu’elles ne tombent pas du ciel ?

François Berger
Ecrivain, éditeur, avocat