François Berger

écrivain, éditeur, essayiste et conférencier

Europe : et si l’on avait commencé par la culture ?

Qui n’admettrait pas l’urgence de sauvegarder la liberté des échanges spirituels et du dialogue, menacés par des conflits qui ébranlent une société en désagrégation ? Cette mise en garde fut proclamée à Venise il y a plus de soixante-dix ans par l’éminent juriste et philosophe italien Umberto Campagnolo (1904-1976) lors de la séance inaugurale de la Société européenne de culture (SEC) dont il fut le fondateur (1950). Ces lignes intervenaient au lendemain du conflit apocalyptique de 39-45 et demeurent d’actualité.

La question de fond à l’origine de la SEC est celle du rapport entre politique et culture. Mais son objet n’a rien de commun avec la politique culturelle concernant les interventions publiques. Elle est une autre politique et la culture est ici entendue comme création de valeurs.

La SEC n’est pas une entité distincte de ses membres et n’a pas été créée pour défendre une cause plutôt qu’une autre. Elle veut favoriser le dialogue, cet instrument fondamental pour une vraie politique de la culture, comme le rappelait Cosima Campagnolo, son excellente secrétaire générale, malheureusement disparue cette année.

Cette institution internationale existe dans bon nombre de pays européens dont le nôtre. La liste des personnes éminentes qui l’accompagnèrent est impressionnante : Chagall, Picasso, Sartre, Adorno, Pasternak, Irène Joliot-Curie, et tant d’autres.

L’Europe fut, pour Campagnolo, son souci constant. Il dirigea la remarquable revue de la SEC : Comprendre.

La civilisation européenne est celle de l’universel, car ayant mis au premier rang la personne, disait-il.

Or la lutte tendant à son effacement gagne du terrain. La déconstruction de la personne, donc de la civilisation, est ouvertement prônée par certains courants fanatiques et destructeurs !

Cela est d’autant plus inquiétant que nos valeurs culturelles provenant de l’héritage à la fois grec, romain et chrétien sont insuffisamment défendues.

Si c’était à refaire, je commencerais par la culture et non le politique, aurait pu dire Jean Monnet l’un des pères de l’Europe, selon ce propos d’Hélène Arweiler, grande universitaire et présidente du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou.

François Berger
Ecrivain, éditeur, avocat