François Berger

écrivain, éditeur, essayiste et conférencier

Frédéric Dubois du Nilac

Les titres des œuvres ne sont-ils pas souvent annonciateurs ?

« La part du feu », une des premières publications de Julien Dunilac, n’annonçait-elle pas son destin de poète ? « Le poète est vraiment voleur de feu » ( Rimbaud).

Né en 1923, enfant de Neuchâtel, Frédéric Dubois entre, jeune, au Département des affaires étrangères. Il occupe divers postes à Berne, à Paris, à Berlin, puis à nouveau Paris où grandiront ses trois enfants. Toujours à ses côtés, son épouse, admirable maîtresse de maison. Conseiller culturel auprès de l’Ambassade de Suisse (1965-1974), il est « l’aumônier » des artistes, organisant de nombreuses réceptions, notamment celle de Jacques Chessex lors du prix Goncourt. Paris, ce seront de très belles années, cependant peu de temps pour la création. Mais « Aux balances subtiles l’écrit ne pèse rien. Les actes seuls parlent pour nous ».

En avril 1980 il est nommé directeur de l’Office fédéral de la culture. Il aime et défend les artistes. Plusieurs deviennent des amis (Erni, Loewer, Mumprecht, Liner, d’autres encore). Il se lie également d’amitié avec ses éditeurs : Hauser (La Baconnière), Dimitrijevic, Frochaux (L’Age d’Homme) et Slatkine.

Admirateur de François Mitterrand, préparant une analyse de son écriture, il est reçu à Paris, par le futur chef de l’Etat qui lui laisse toute liberté quant à ses opinions alors que la campagne présidentielle bat son plein : « Monsieur Dubois, vous êtes le maître d’œuvre ! ».

Cependant, cette vie qui l’emmena des salons feutrés des ambassades, en passant par les appartements cossus de Paris, jusqu’à sa retraite, en 1985, dans sa belle maison de Neuchâtel, n’altéra jamais ses convictions sociales-démocrates. Elle ne le détourna pas non plus de ses préférences spirituelles pour le bouddhisme. Peut-il y avoir un humanisme sans spiritualité, que celle-ci soit avec ou sans Dieu ?

Retraité, il demeurera très actif, écrivant, publiant. La somme de ses publications est impressionnante, touchant à tous les genres littéraires, sans oublier les essais.

Il eut l’estime de beaucoup et correspondit avec Gaston Bachelard, le philosophe-poète. « Quand je lis des poèmes comme les vôtres, je sais que la poésie m’est indispensable ». N’est-il pas plus bel hommage pour celui qui se considérait, avant tout, poète ? Mais nous sommes dans une époque où la médiatisation emporte, hélas, présomption de qualité d’œuvres souvent très discutables. A cela Frédéric Dubois aimait répondre : « Le temps est galant homme ! ».

Il s’en est allé, paisiblement, entouré des siens, au matin de la Fête des mères. M’est alors revenu ce vers de St-John Perse, poète que nous admirions tant : « Amour, amour qui tiens si haut le cri de ma naissance ! ».

Ceux qui ont eu le bonheur de le fréquenter garderont aussi de lui le souvenir d’un homme qui a toujours su rester modeste et à l’écoute des autres.

François Berger,
avocat au barreau de Neuchâtel,
membre de l’association suisse des auteurs