Pablo Picasso est mort il y a cinquante ans, le 8 avril 1973. L’année 2023 sera riche de plus de quarante expositions à New-York et en Europe. Pas nécessaire, toutefois, de voyager bien loin, le musée Rosengart, à Lucerne, proposant une magnifique collection permanente.
La production de ce génie, à la fois maître de l’abstraction et du réalisme, est exceptionnelle, estimée à 13’500 peintures auxquelles il faut ajouter une quantité considérable de dessins, sculptures, céramiques. Ne disait-il pas que son œuvre peut être divisée en plusieurs styles, chacun lié à l’une de ses muses féminines ? Fernande Olivier, modèle de l’artiste, Olga Khokhlov, ballerine, Dora Maar, une photographe en vue, entre autres.
Toutefois le statut de celui dont le seul nom incarne tout l’art du vingtième siècle en a pris un coup dans le monde de MeToo. Selon des proches et des biographes, Picasso fut loin de rendre toujours facile la vie de ses épouses et amantes.
Dans un article pénétrant (New-York Times, 8-9 avril 2023), l’Américaine Deborah Solomon, critique d’art de renom, s’en prend à ce courant féministe, lequel considère son œuvre surévaluée et soutenue par le patriarcat ! Solomon souligne qu’il a échappé à ce mouvement que la présence de la femme domine chez Picasso, lequel a vu en elle les sources de la vulnérabilité et de la force. Il peignit des intellectuelles, des artistes, comme l’écrivaine Gertrude Stein, ces anonymes du Moulin de la Galette (1900), où seuls les visages féminins sont mis en évidence ou encore La mère (1901), représentant une mère, pauvre, et ses enfants, marchant droit devant elle, prête à affronter toutes les difficultés de la vie.
Picasso, ardent opposant à la guerre, n’aurait-il peint que Guernica (1937) qu’il eût déjà été reconnu dans l’histoire mondiale de l’art. Dans ce chef-d’œuvre impressionnant par son thème et ses dimensions, est bouleversante la présence des femmes apparaissant sous la forme d’étranges visages martyrisés par les horreurs de la guerre civile espagnole.
Ce génie fut-il un tyran ? Oui, aux yeux de certaines.
Mais ses détracteurs peinent à séparer sa vie de sa création. Et cela peut déformer notre regard sur ses œuvres, lesquelles, cependant, conservent toute leur valeur intrinsèque.