François Berger

écrivain, éditeur, essayiste et conférencier

L’Homme-Dieu selon le philosophe

Le XXème siècle communiste, nazi, génocidaire, fasciste, maoïste, causant la mort de centaines de millions d’humains, restera marqué par l’anti-humanisme.

« Si Dieu existe, pourquoi le mal ? S’il n’existe pas, pourquoi le bien ? » écrivait le philosophe latin Boèce au VIème.

Nous condamnons la guerre, la torture, la peine de mort, les injustices, le refus de la liberté d’expression. Si notre civilisation, à l’héritage antique et biblique, a placé l’humain au centre de ses préoccupations (d’où le beau mot d’humanisme), elle n’a, de loin pas, toujours été à la hauteur de son génie humaniste. Il n’y a pas d’« hérédité du bien » souligne pertinemment le philosophe Abdennour Bidar (1971), dans son remarquable essai (Histoire de l’humanisme en Occident, 2021).

Les grandes civilisations (Russie, Chine, Islam) contestent l’autorité universelle que l’Occident a voulu donner aux droits de l’homme. S’y ajoutent de nombreux pays africains faisant alliance avec Poutine.

Ces droits fondamentaux auraient-ils été rattrapés par leur point faible : l’absence d’enracinement dans une véritable vision de l’humain ? Au temps où celui-ci se faisait une représentation du divin, il pouvait inspirer un respect sacré. Ces visions sont délaissées quand elles n’ont pas été oubliées. Nous vivons dans des sociétés où tout se règle selon la loi et la contrainte qui protègent mais ne font pas grandir, souligne-t-il.

« Pourquoi l’Occidental n’a-t-il pas réussi à devenir ce Dieu dont il avait si complètement absorbé toutes les qualités ? » nous interpelle Bidar, avec audace et peut-être pour provoquer. « Si l’humanisme occidental a un avenir – lequel se fera avec les autres civilisations du monde – il est dans cette possibilité qui émerge doucement d’assumer la position divine conquise et il faut alors se montrer patient ».

Comment « toutes les qualités du divin » pourraient-elles avoir été « absorbées », par cet « être merveilleux » dont parlait le romancier René Barjavel, mais un « être-pour-la-mort » selon le philosophe Heidegger (1889-1976) ?

C’est un des mérites de Bidar d’avoir relancé ce débat par ce livre pénétrant et bien documenté.

François Berger
Ecrivain, éditeur, avocat
Membre de la Société européenne de culture.